Il y a 94 ans, jour pour jour, le fracas des armes laissait place aux clameurs de la victoire, avant de le céder au silence du deuil. Après quatre ans de fureur, dans la boue des tranchées, sous les gaz et les obus, la signature de l'armistice à Rethondes rendait les poilus à leurs familles, à leur métier, à leurs études. Trois millions d'entre eux portaient dans leur chair, leurs visages anéantis et leur corps meurtris, les stigmates du conflit le plus meurtrier que le monde avait jamais connu. Près d'un million et demi manquaient à l'appel.
Mais les poilus rentraient et ils rentraient victorieux. Pour longtemps, pour toujours, voulait-on croire. La fin de la "der des der" devait clore à jamais ce chapitre sanglant de l'histoire. La plaie béante au cœur de l'Europe pourrait - fol espoir - cicatriser, les hommes se reconstruire et les Nations se réconcilier.
Comment pouvait-on alors imaginer que 22 ans plus tard, dans cette même clairière près de Compiègne, ce wagon même qui symbolisait la victoire recueillerait la signature de la France vaincue et démembrée. A la demande d'un Maréchal, au terme d'une étrange défaite qui ne l'était pas tant, le combat cessait. Un autre commençait, dans l'ombre, pour libérer la France de la nuit de l'oppression et de la tyrannie.
Cette cérémonie, c'est un hommage mais c'est aussi un espoir. Car ce que les morts nous demandent, comme le disait si bien Pierre Brossolette, ce n'est pas de les plaindre, c'est de les continuer. Les continuer, c'est conserver vivante et vibrante leur mémoire, à l'heure où les témoins de 14 ne sont plus, et où ceux de 40 s'éteignent. C'est de faire connaître ce qu'ils furent, leur histoire, leurs histoires. De transmettre leurs valeurs, ce pour quoi ils combattirent et moururent, et c'est le rôle de l'école. Dans les années qui viennent, la France entamera un long cycle de commémoration des deux guerres qui bouleversèrent l'Europe et le monde.
Je voudrais que l'on médite un instant cette phrase d'Henri Wallon, convaincu après la meurtrissure de la première guerre mondiale que pour "assurer au monde un avenir de paix, rien ne pourrait être plus efficace que de développer dans les jeunes générations le respect de la personne humaine par une éducation appropriée. Ainsi", disait-il, "pourront s'épanouir les sentiments de solidarité et de fraternité humaines qui sont aux antipodes de la guerre et de la violence".
Je vous remercie.
Vive la France, vive l'Europe, vive la Paix.
Christophe CERAGIOLI